Les contes interdits - T36 - Le Petit Prince by L.P. Sicard

Les contes interdits - T36 - Le Petit Prince by L.P. Sicard

Auteur:L.P. Sicard [Sicard, L.P.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Horreur
Éditeur: Éditions AdA
Publié: 2024-01-02T00:00:00+00:00


8

J’ai ainsi vécu seul, sans personne

avec qui parler véritablement

Il est de ces horreurs trop vives pour être saisies par un enfant. Géraldine ne comprend pas ce qu’elle a vu tandis que ses jambes flageolantes la font d’elles-mêmes rebrousser chemin. Ses pupilles sont encore habitées par la lueur orangée des flammes, ses tympans hantés par le cri des parents, les gémissements du garçon qu’on a forcé à regarder.

Garçon qui ne doit pas être plus vieux qu’Edmond.

Nulle réflexion ne tient ; toutes sont avalées par l’horreur. Géraldine ne pense à rien, son cœur bat à tout rompre dans sa poitrine, ses jambes titubent dans une errance aveugle. Elle n’a pas cessé de pleurer, sans trop savoir pourquoi. Elle n’a plus même conscience de la tempête qui fait rage, du froid qui lui mord le visage.

Un rappel à la réalité, brutal, la rattrape cependant bien rapidement.

− J’ai vu quelqu’un bouger !

Cette voix provient de derrière Géraldine, voix qu’elle a entendue un instant plus tôt – s’agit-il de celle de l’ivrogne ? La jeune fille tourne la tête. Entre les troncs, à travers les bourrasques chargées de neige et les feuillages des résineux, elle remarque le groupe qui lui emboîte le pas.

− On dirait qu’il y a d’autres traces…

Géraldine se cache rapidement derrière le tronc large d’une épinette, l’oreille tendue. Elle doit résister à l’envie d’appeler à l’aide dans son walkie-talkie. Si elle parvenait à joindre Edmond, qui pourrait en retour alerter ses parents…

En revanche, la jeune fille sait trop bien que parler, même à voix basse, est trop risqué, à présent que ces adultes la recherchent. Ils la trouveraient trop facilement.

− C’est des traces d’enfant, fait remarquer l’un.

− Celles du garçon ?

− Non, idiot. Tu vois bien qu’elles sont différentes. Elles vont en sens inverse. Et je te rappelle que tu as porté le garçon dans tes bras pour t’en venir.

− Tu veux dire qu’on serait observé par un enfant ? Isabelle, ton filleul, tu es certaine qu’il est dans sa chambre ? Aveugle ou pas, il a toujours ses deux oreilles.

− Faudrait peut-être verser de l’acide dans celles-là aussi ! se moque un autre.

Géraldine n’entend du reste de la conversation que des bribes enterrées par les bourrasques. Elle comprend que demeurer cachée là ne la tirera pas d’affaire ; ces gens-là ont déjà repéré ses empreintes dans la neige ; si elle reste ici, ce n’est qu’une question de secondes avant qu’on la rattrape.

Sa détresse monte d’un cran lorsqu’elle comprend qu’il ne lui reste plus qu’une option.

Fuir.

Sans jeter un coup d’œil derrière elle, Géraldine prend ses jambes à son cou, se faufilant entre les conifères aussi vite que le lui permet l’épaisse couche de neige. Elle n’entend que son cœur tambouriner. Ses poumons brûlent. Son souffle s’épuise. Ses jambes s’ankylosent. Mais elle court, court toujours.

Comment semer ses pourchasseurs, avec ces traces qui la trahissent ?

Une idée lui vient aussitôt qu’elle aperçoit un sapin aux branches basses. Géraldine y grimpe, couvrant ses mitaines de résine collante. Les branchages d’un érable sont enchevêtrés dans ceux du sapin, un peu plus haut.



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